Chemin d’Emmaüs

Par Martin Hoegger

En janvier 2019, j'ai participé à la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, à Jérusalem. Durant ce temps, j'ai aussi marché avec quelques amis sur le chemin d’Emmaüs, entre Jérusalem et Emmaüs-Nicopolis. Chemin faisant j'ai visité les communautés et partagé la vision de « Jésus Célébration 2033 » et d’une décennie de la résurrection, de 2023 à 2033.

Inviter à marcher sur ce chemin durant cette décennie afin de préparer le grand Jubilé de la résurrection de 2033, telle est en effet l’idée que nous avons discutée avec les personnes que nous avons rencontrées.  

Le chemin d’Emmaüs est d’abord un chemin géographique, bien que – à vrai dire – il est difficile de dire où se trouve l’antique village d’Emmaüs. Au moins quatre hypothèses sont possibles ! 

Lire aussi ma chronique sur la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens : https://martin.hoegger.org/index.php/oecumenisme/404-unite-jerusalem-2019

 

De Jérusalem à Abu Gosh par Motza

Dimanche 27 janvier, avec une petite équipe des « Montées de Jérusalem », une communion de prière pour l’unité visitant depuis plus de 35 ans les Églises de Terre sainte, nous marchons sur le début du chemin d'Emmaüs : Jérusalem - Motza - Abu Gosh. https://www.montees-jerusalem.org/fr/index.php

Le temps est magnifique ! Nous sortons de la ville en tram et bus pour marcher directement dans la vallée verdoyante d’Arazim bordée par des autoroutes et de nouveaux quartiers qui s'édifient sur les collines.

Très jolis sentiers ou nous cheminons et approfondissons nos relations les uns avec les autres quand nous ne restons pas en silence.

Nos amies de Nazareth

Trois jeunes amies arabes chrétiennes de la communauté oecuménique « New Life » de Nazareth font la route avec nous. Nous nous arrêtons pour lire le récit des pèlerins d’Emmaüs, chanter et prier.

Pique-nique à Motza qui est « l'Emmaüs des archéologues » ... En effet, des fouilles menées en 2001-2003 ont conduit à l’hypothèse d’identifier Motza avec cet Emmaüs que Flavius Josèphe situait à 30 stades de Jérusalem (environ 8 km) http://jandricsrobert.hu/Thiede/Emmausindex.html

Grâce à Mlle Google, la suite de notre marche nous conduit à travers des villages juifs et arabes, occasion de prier pour ces habitants. 

Une halte café - jus - fallafel dans le creux du vallon d’Ein Nakuba nous remet d'aplomb pour affronter la dernière montée vers le village arabe d’Abu Gosh.

Nous passons un moment au magnifique monastère bénédictin (« l’Emmaüs des croisés ») où certains d'entre nous resteront prier les vêpres avec la communauté bénédictine de moines et moniales. Je revois frère Olivier.  

Voir la vidéo de cette marche : https://youtu.be/aS-q7lLpPmo

 

Abu Gosh

Quelques jours auparavant avec mon collègue vaudois Daniel Fatzer, j’ai visité ce monastère. Frère Olivier nous accueille avant de nous inviter au repas avec les frères pris en silence, avec lecture d’un livre sur la vie monastique en Terre sainte.

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Avec frères Charles, abbé d’Abu Gosh et Olivier

Après le repas, il nous explique la vocation du monastère : le dialogue avec le peuple juif :

« N’oublions jamais le rocher dans lequel nous avons été taillés. Ce matin je disais à des juifs : ne croyez pas que Pierre, le premier pape, soit né au Vatican ! Au début, ceux-ci ne voulaient pas entrer dans l’église. Puis ils ont été surpris que la communauté chante les psaumes en hébreu. Ils découvrent ce lien avec nous ou que nous avons avec eux... que cela plaise ou non et que Jésus est à la fois pont et rupture. Le fondateur de notre communauté nous a dit : « Soyez une présence cordiale, à la source de notre foi, à l’écoute du mystère d’Israël ».

 

La crypte de l’église des Croisés.

Mais comment réaliser cela dans un village musulman, où il n’y a pas d’autres chrétiens ? Les frères y ont vu un signe pour une ouverture plus large. Ils ont appris aussi l’arabe. « Le monde est plus besoin de ponts que de murs », dit le pape François. C’est tellement vrai. Notre père Abbé aime aussi dire : « ne mettons pas de l’huile sur un feu qui brûle déjà trop mais de l’huile dans les rouages », ajoute frère Olivier.

Comment se précise cette « présence cordiale » : par l’hospitalité ! La règle de Saint Benoit dit qu’il faut voir et accueillir le Christ en chacun. Les moines cherchent aussi à participer à des initiatives qui favorisent la paix. Ils soutiennent un centre de rencontre entre imams et rabbins, une équipe de football mixte arabes-juifs.

 

La crypte de l’église des Croisés.

« Il y a tant de gens de bonne volonté dans ce pays. Certes tout n’est pas ainsi... mais cela peut l’être. Par exemple, l’autre jour, 150 jeunes juifs et druzes sont venus ici pour découvrir notre vie. Le responsable m’a demandé de les bénir. N’est-ce pas extraordinaire qu’un juif religieux demande à un moine de bénir des jeunes juifs et druzes ... dans un village musulman » !

Avant d’aller prier l’office de midi en hébreu, l’abbé du monastère, le Père Charles et les autres frères prennent connaissance du projet JC2033 et de notre invitation à marcher sur le chemin d’Emmaüs. Je suis frappé par leur joie et leur simplicité. « Le projet est magnifique, revenez souvent ici. Nous aurons certainement l’occasion de nous revoir ! » nous dit le frère hôtelier, Brice.

Quel lien entre ce monastère et Emmaüs ? Les chevaliers de Malte qui ont construit cette église pensaient qu’Emmaüs se trouvait ici, mais frère Olivier penche plutôt pour Motza, l’Emmaüs des archéologues. Cependant Emmaüs est très présent dans ce monastère dont la crypte abrite un puit de l’époque romaine.

« Votre projet me rejoint dans un vieux rêve, dit frère Olivier. J’ai toujours été sensible au fait que la lumière est plus forte que la nuit. Emmaüs donne cette ouverture. Dans notre prière nous nous y référons souvent, également avec une dimension œcuménique.

 

Le centre Saxum https://saxum.org/emmaus-trail

Fresque des pèlerins d’Emmaüs dans la chapelle du Centre Saxum

En revenant de Yad Hashmona, je me suis arrêté au Centre d'accueil Saxum, dans les hauteurs d’Abu Gosh.

Je suis accueilli par sa directrice, Almudena Romero et Manuel Cimadevilla qui m’expliquent que ce centre veut aider les pèlerins à approfondir leurs connaissances de la Terre Sainte, à travers différentes ressources multimédias.

Je visite les installations flambant neuves et, effectivement, les ressources mises en œuvre sont impressionnantes. En plus, il se trouve que le chemin d’Emmaüs passe à moins de 200 mètres du centre et qu’ils voudraient le promouvoir, surtout en faveur de la jeunesse.

A propos d’Emmaüs, Josémaria Escriva, le fondateur de l’Opus Dei (à qui appartient le centre), a écrit : « notre Dieu a rempli son nom de douceur. Maintenant, le monde entier est devenu un Emmaüs. Car le Seigneur a ouvert toutes les voies divines de la terre ».

Pour signaler l’itinéraire de 18 km jusqu’à Nicopolis, Saxum a collaboré avec le ministère israélien du Tourisme et le Fonds national juif (KKL). De nombreuses agences de voyage ont été contactées pour le faire connaître.

Leur maxime est : « Visiter, marcher… et prier ». C’est pourquoi nous terminons notre rencontre par la prière, devant une fresque représentant les pèlerins arrivant à Emmaüs, avec Jésus au milieu d’eux : « Reste avec nous car le soir vient » !

 

De Yad Hashmona à Emmaüs Nicopolis

Pour la deuxième étape du chemin d’Emmaüs, notre groupe des « Montées de Jérusalem » est accueilli par le pasteur Youval Yanaï, au centre du mouvement « Revive Israël », à Yad Hashmona, un village « messianique » que je présenterai plus bas.

Devant une carte, il nous explique le chemin que nous allons prendre jusqu’à Emmaüs-Nicopolis.

Notre guide : le pasteur Youval Yanaï

Nous serons dix à marcher car deux responsables de la jeunesse messianique, Tal et Sarah se dont jointes à nous.

Nous lisons le récit évangélique des pèlerins d’Emmaüs et commençons la marche qui traverse une forêt par monts et par vaux sur l’antique route romaine. Chemin faisant nous découvrons des indices de la présence romaine : bornes milliaires, douane, citerne, bâtiments.

A certains endroits nous voyons clairement la roche taillée devenue glissante. A d’autres, nous devons éviter des flaques suite aux abondantes pluies des jours précédents. Partout la nature est verdoyante, les couleurs des lys et des anémones sont éclatantes. A la fin du chemin, nous découvrons le premier amandier en fleurs. Dans la tradition juive, c’est le « Nouvel an des arbres ».

Au fur et à mesure que nous avançons, nous faisons connaissance et partageons ce des expériences de vie.

A l’arrivée les deux jeunes du groupe sont enthousiastes et désirent emmener d’autres jeunes sur ce chemin. Nous sommes aussi heureux d’avoir vécu ce chemin où le Ressuscité avait rejoint Cléophas et le disciple anonyme.

Qui était ce mystérieux disciple ? Sans doute l’évangéliste Luc a voulu nous faire comprendre que chacun peut s’identifier à lui. C’est toi et moi qui sommes invités à marcher sur ce chemin avec Jésus au milieu de nous ! C’est ce que nous explique le P. François de Sales, responsable de la communauté catholique des Béatitudes qui se trouve à Nicopolis, au bout du chemin.

 

La communauté des Béatitudes http://www.emmaus-nicopolis.org/francais/communaute-des-beatitudes

P. François, nous explique l’origine de la communauté fondée par un pasteur protestant, dans la spiritualité charismatique, au début des années 1970. « Le Renouveau charismatique et l’amour pour la Parole de Dieu sont la source des Béatitudes ».

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P. François de Sales, responsable de la communauté et Sarah, jeune messianique.

Ils sont présents en Israël depuis 1976 et à Nicopolis depuis 25 ans. C’est la première communauté fondée en dehors de la France.

Les onze frères et sœurs provenant d’autant de nationalités ont reçu 40´000 visiteurs en 2018. Ils dialoguent avec des communautés juives réformées. Certaines parties de leur liturgie sont en hébreu ; chaque vendredi soir, d’ailleurs, ils vivent une cérémonie d’accueil du Shabbat.

Notre guide Youval Yanaï est visiblement heureux de parler en hébreu avec père François et de découvrir que la vocation des Béatitudes est d’être en lien avec le peuple juif.  

« Cette maison a une âme ; c’est le récit d’Emmaüs qui nous porte. C’est si beau d’être ici, un lieu de résurrection ! Nous vivons à la campagne, loin de l’agitation de Jérusalem. Dans ce calme nous sentons la présence du Ressuscité ! Si je n’étais pas ici, je ne serais pas resté en Israël car le combat est trop fort », nous confie P. François. 

Chaque lundi de Pâques depuis 20 ans, une marche depuis le Cénacle à Jérusalem est vécue par des jeunes. A l’arrivée, dans les ruines de l’Eglise byzantine de Nicopolis, l’eucharistie est célébrée par le patriarche latin de Jérusalem.

En lien à notre vision d’un chemin d’Emmaüs œcuménique, il nous encourage à conjuguer nos forces avec d’autres initiatives, comme celle, toute récente, du centre Saxum.

Voir la vidéo de cette marche : https://youtu.be/RuyjmBZnMRk

 

La Trappe de Latroun  http://latroun.net/fr/accueil.htm

« Vous avez été inspiré de nous visiter », nous dit Père Louis, un moine libanais, présent ici depuis de longues années : « j’hésite à vous dire depuis quand je suis ici. J’avais treize ans et trois mois quand je suis arrivé. Précisément, je suis entré dans ce monastère le 24 novembre 1952 à 10.30. À l’âge de douze ans j’ai senti un désir véhément de donner ma vie dans la voie monastique. J’étais convaincu que c’était là que je trouverais mon bonheur. Tous se sont opposés à moi, mais Dieu a permis que je vienne ici. Avec le temps, en regardant en arrière, je remarque que mon regard était vrai. 

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Cependant j’ai toujours conscience de ma pauvreté devant le Seigneur. Pourquoi me montre-t-il tant de sollicitude alors que je manque si souvent les rendez-vous avec lui ? Cela m’émeut tellement que j’en pleure ! »

Le monastère a confié une partie de son domaine à une communauté luthérienne à vocation oecuménique. Ils vivent ensemble une belle communion : pas un nuage depuis plus de 40 ans. Des célébrations œcuméniques réunissent souvent les trois communautés à Latroun : les Béatitudes, les trappistes et la communauté luthérienne.

Le 26 janvier‬ prochain aura lieu une célébration oecuménique en souvenir des martyrs de Thibirine, également trappistes. « Nous étions en relation étroite avec eux. J’ai été là-bas et plusieurs frères de Thibirine ont vécu ici ».

« Si le Seigneur vous a inspirés, il vous aidera à réaliser votre projet. Continuez et revenez ici autant que vous voudrez ! » lance le P. Louis quand il prend connaissance de notre projet du chemin d’Emmaüs.

Laura et P. Louis.

Durant le repas nous faisons connaissance de Laura, membre d’un groupe charismatique de Haïfa. Le lendemain, nous l’invitons à participer à notre lectio divina quotidienne.  « J’avais demandé au Seigneur de me parler durant ce séjour. En vous rencontrant, je réalise qu’il m’a exaucée », nous dit-elle !

Une partie de notre groupe ont passé la nuit dans la communauté des Béatitudes et l’autre a été accueillie par les moines de Latroun.

Le lendemain matin nous vivons une « lectio divina » sur le Psaume 85. Le verset 14 me parle par son image du chemin qui me fait penser à celui que nous venons de parcourir : « La justice marche devant lui, et ses pas tracent le chemin ». Voici ma prière, fruit de ce moment :

 

« Nous avons marché ensemble vers Emmaüs

et nous croyons que tu es le pèlerin invisible parmi nous.

Toi, le Ressuscité, tu nous ouvres les uns aux autres

et tu fais monter en nous une joie et une force nouvelles.

 

Désormais dans nos Emmaüs de chaque jour,

nous ne voulons plus marcher sans toi,

mais en tout, suivre le chemin que tu nous as tracé.

Chemin de justice et de paix, de vérité et de fidélité,

chemin qui nous conduit vers le Père

et vers le cœur de chacun ».

 

La communauté de Latroun

Nous nous rendons ensuite à la Communauté œcuménique de Latroun, à quelques centaines de mètres. Elle est issue de l’Église luthérienne, plus précisément de la « Jesus Bruderschaft » de Gnadenthal en Allemagne. https://www.kloster-gnadenthal.de/jesus-bruderschaft/latrun

Les frères Remi et Elia nous accueillent dans la grande salle datant de la période des Croisés et nous expliquent l’origine de cette communauté. Elle se trouve ici depuis 1973 suite à une demande du prévôt de l’Eglise luthérienne de Jérusalem adressée à la maison-mère de la communauté. Elle a d’abord commencé à Jérusalem, dans une partie du Muristan, à côté de l’Eglise du Rédempteur. 

Puis les moines de Latroun leur ont proposé ce lieu qui était en ruine et sans arbres. Aujourd’hui, c’est un petit paradis bien arrosé ! « La rencontre entre des catholiques contemplatifs et des jeunes luthériens s’est bien vécue », précise le frère Remy.  

Sa vocation : la prière pour l’unité des chrétiens, le silence et l’accueil. « Vivre en contact avec des juifs était aussi significatif pour une communauté allemande. Viennent surtout des gens d’ici, des volontaires d’Allemagne et des chrétiens qui servent le peuple juif et les juifs messianiques ».

Chaque année, ils marchent durant deux jours sur le chemin d’Emmaüs depuis Jérusalem jusqu’ici. Cette année quelques jeunes suisses ont fait le chemin du retour jusqu’à Jérusalem, avec des jeunes messianiques. 

« Nous apportons à Jésus tout ce qui est lourd, pour qu’il puisse entrer dans nos vies. Nous mettons plus l’accent sur la maison que sur le chemin. Nous désirons que chacun puisse faire une rencontre avec le Ressuscité comme l’ont fait les deux disciples d’Emmaüs. Que dans la fraternité et la prière nos yeux s’ouvrent et nos cœurs brûlent ! 

 

Yad Hashmona

A la fin de mon séjour, je suis retourné à Yad Hashmona pour y rencontrer les responsables. Ce nom – « Mémorial des Huit » - a été donné par les membres fondateurs finlandais à la mémoire des huit juifs qui s'étaient réfugiés d'Autriche en Finlande, et que les Finlandais avaient livrés à la Gestapo nazie en novembre 1942. http://yad8.com/

Fondé dans les années 1970, suite à l’autorisation de la première ministre Golda Meir, ce village est habité par des « juifs croyant en Yeshoua (Jésus) ». Le site internet précise aussi qu’il se situe « sur la route où Yeshua ressuscité est apparu à deux disciples ».

Il fallait donc que je visite ce lieu « qui était déjà dans le cœur de Yeshua lorsqu’il y marchait avec Cleophas et son ami. Ce lieu est vraiment particulier », m’a dit Youval Yanaï qui est membre de la communauté messianique qui s’y réunit.

Ce village compte 65 familles, un hôtel, une communauté messianique de 140 membres et l’association « Revive Israël », au large rayonnement (site internet en 9 langues) https://www.reviveisrael.org/   

Notre projet d’inviter à marcher sur le chemin d’Emmaüs durant la « décennie de la résurrection » suscite de l’intérêt, car à ce jour, seules deux agences de voyage proposent cette marche. Les pèlerins font alors un arrêt ici pour passer la nuit. Le restaurant de l’hôtel leur propose un « repas biblique » où on fait le lien entre la Sainte Cène et la Pâque juive.  

Un des responsables pense que l’Emmaüs biblique est probablement Nicopolis, éloigné d’une journée de marche de Jérusalem, soit 30 kilomètres et ce chemin passe par Yad Hashmona. « Durant mon service militaire, j’ai souvent marché cette distance…et avec un fusil et un gros sac sur le dos » !

Surprise ! Durant le repas du soir j’entends parler français autour d’une grande table. Ce sont 15 pasteurs de l’Église libre de Genève qui ont commencé ce jour-là une retraite spirituelle. Je suis invité à leur table et, le lendemain, à une rencontre du mouvement « Revive Israël ».

Lors d’une Lectio divina avec les « Montées de Jérusalem », j’avais écrit cette prière en méditant sur le « mystère d’Israël » :

Père, nous avons besoin de ton Esprit

pour pénétrer le mystère d’Israël.

Ce peuple que, dans ton amour,

tu as choisi et appelé,

gardé et conduit.

Ce peuple par lequel tu as donné Jésus,

le Messie qui a vécu dans ta justice.

Par Jésus tu l’unis à tous les peuples

pour qu’ensemble nous soyons tes peuples

appelés à proclamer tes merveilles

et à rechercher ta justice, rien que la justice.

« Dans son amour, il relève Israël son peuple » (Luc 1)

 

El Qubeibeh

 https://www.custodia.org/fr/sanctuaries/emmaus-el-qubeibeh

Durant une des célébrations de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, j’ai fait la connaissance du frère Stéphane, franciscain, qui m’apprend – ô nouvelle surprise ! -  que trois frères de sa congrégation vivent à El Qubeibeh, un quatrième site d’Emmaüs qui se trouve sur le territoire palestinien.

Il faudra que je revienne y marcher ! « Mais c’est assez compliqué, car le mur le coupe en deux », s’exclame le frère qui semble s’y connaître en la matière !

Trois jours plus tard, après la célébration œcuménique dans l’Église Saint Sauveur (celle des Franciscains), il m’entraîne dans son bureau pour me donner un dépliant sur ce lieu.

Chaque lundi de Pâques, les franciscains organisent une marche sur ce chemin entre le Saint Sépulcre et El Qubeibeh, comme les jeunes luthériens de Jérusalem.

Je me demandais avec qui découvrir ce chemin quand je reçois un message électronique de la part d’Andraous Jashan, dont j’avais fait la connaissance lors de la célébration dans la cathédrale arménienne. Il travaille au centre œcuménique Sabeel et serait intéressé à une collaboration avec JC2033.

Sabeel signifie justement « la voie, le chemin » … mais aussi « la source ». « Les premiers chrétiens ont été appelés les gens de la voie où Jésus est la source de vie », m’explique Omar Haramy, un des animateurs de ce centre que j’ai visité à la fin de mon séjour.

 

Quel est le chemin que Sabeel veut suivre : celui de Jésus ! Chemin de justice et de paix, de non-violence et de respect, de réconciliation et de dialogue. Ce centre propose des études bibliques à une trentaine de communautés. Il cherche à être la voix du peuple de l’Église dans les territoires palestiniens. Sa lettre de nouvelles est diffusée en onze langues !

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Avec Andraous Jashan et Omar Haramy, animateurs du Centre Sabeel

Concernant JC2033, Omar pense que c’est une grande idée, mais qu’il y a de nombreux défis. A Jérusalem, chaque jour est Pâques ! Et puis, il ne faut pas seulement regarder en arrière, à ce qui s’est passé il y a deux mille ans, mais se demander quelle espérance la résurrection de Jésus apporte aujourd’hui. Si Jésus est mort et ressuscité pour tous, comment cela change-t-il nos relations les uns avec les autres ?

A la fin de cet entretien dense et engagé, j’invite Andraous et Omar à marcher avec moi sur le chemin (le « Sabeel » !) d’Emmaüs entre Jérusalem et El Qubeibeh, lors d’une prochaine venue à Jérusalem.

 

Un chemin à vivre en lien avec les Eglises locales

Avec Daniel Fatzer, je rencontre Nashat Filmon, le directeur de la Société biblique palestinienne, à Beit Hanina, Jérusalem-est.

Je l’avais déjà rencontré il y a une année et demie pour lui présenter la vision de JC2033. En nous accueillant il nous offre tout de suite un café arabe.

La première partie de notre entretien porte sur la situation actuelle, en particulier sur celle des chrétiens en Terre sainte : « Nous vivons dans une société qui se divise de plus en plus. Il y a le mur physique, mais aussi un mur dans les cœurs qui grandit de plus en plus,  s’exclame Nashat. Comment alors vivre l’esprit du Christ appelant à prendre soin les uns des autres ? Comment en tant que chrétiens pouvons-nous être un lien entre les personnes, alors que nous aussi nous sommes divisés ? »

La Société biblique a publié une version « Paix et Justice » de la Bible où les passages concernant la paix et la justice sont soulignés. Ses publications actuelles insistent sur l’espérance chrétienne.

Avec Nashat Filmon, directeur de la Société biblique palestinienne

C’est justement cela qui le touche dans la vision de JC2033 : « Je suis totalement en faveur de cette vision Elle fait partie de notre ADN ».

Mais sa grande question est combien de chrétiens resteront en Terre sainte en 2033 ? Si les choses continuent ainsi, la moitié sera partie, en particulier de Jérusalem et de Bethléem. Il n’y a plus que 500 chrétiens à Gaza, un seul à Tulkarem et aucun à Hébron, alors qu’il en avait beaucoup.

« Si les pèlerins viennent et qu’il n’y a plus de témoignage des chrétiens locaux, à quoi bon ?  Où sont les pierres vivantes ? La réalité est que je ne sais pas ce qui se passera demain... A combien plus forte raison en 2023 ou en 2033 ! Nous devons mesurer la gravité de la situation ».

Le projet d’une décennie de la résurrection entre 2023 et 2033 le rejoint, car la préparation est aussi importante que l’événement et l’idée d’appeler à marcher sur le chemin d’Emmaüs l’emballe ! Cependant il nous invite à la proposer en lien avec les Eglises locales. Il est aussi tout à fait ouvert à éditer un livret sur ce chemin, en collaboration avec la Société biblique en Israël.

« Vous entendrez beaucoup d’avis. Que Dieu vous donne la sagesse ! », conclut-il, avant de prier pour recevoir cette aide d’en haut.

Plus tard, je visite André Moubarak, directeur de l’agence de voyage Twin Tours, avec lequel j’ai récemment collaboré. Il confirme l’importance de cette invitation à se relier aux chrétiens autochtones :

« Comme voyagiste je vois un grand potentiel. Les pèlerins demandent des propositions nouvelles, en particulier ceux qui reviennent en Terre sainte. La vôtre apportera un renouveau, un rafraîchissement. Je peux aussi imaginer l’encouragement que cela signifiera pour les chrétiens autochtones. Marchez sur le chemin d’Emmaüs, oui, mais avec les gens d’ici ! »

 

Un chemin conduisant à d’autres chemins

Au début de la rue de Jaffa se trouve la Société biblique d’Israël. Victor Kalisher, son directeur, nous attend au premier étage. Lui aussi connaît le projet JC2033 car nous l’avons également visité lors de notre premier voyage.

En prenant connaissance de l’idée du pèlerinage d’Emmaüs, il nous dit à plusieurs reprises que c’est une belle initiative. Cependant il pense qu’il faudrait aussi proposer d’autres lieux liés à la résurrection.

Victor partage sa première idée : graver le long du chemin sur des pierres des versets de l’Ancien Testament annonçant le Messie. Jésus en effet « expliquait aux disciples ce que les Écritures disent à son sujet » (Luc 24,27). Cela nécessiterait de contacter les autorités israéliennes. Sa deuxième idée est qu’il faudrait proposer ce chemin chaque année.

Avec Victor Kalisher, directeur de la Société biblique en Israël

Puis nous discutons d’un projet de livret du pèlerin d’Emmaüs. Il faut définir son contenu : textes bibliques, prières, aides à la lecture, informations sur les divers Emmaüs, trajets…Mais le plus grand défi sera de faire connaître cette proposition.  

Victor est aussi très ouvert à une collaboration avec le Société biblique palestinienne et nous partage une magnifique réalisation : « Le gardien de mon frère » : un livre de méditations quotidiennes écrites par des chrétiens arabes d’Israël et de Palestine et des juifs messianiques. (« My Brother’s keeper ») https://www.amazon.com/Brothers-Keeper-Devotions-Christians-Palestinian/dp/B00GE79MWU

Reconnaissant pour ces quelques jours intenses à Jérusalem, j’ai écrit cette prière, à la fin de mon séjour, en confiant à l’Inconnu marchant parmi nous sur nos chemins d’Emmaüs l’avenir de ce projet :

 

Jérusalem, « ville du Grand Roi » (Mat 5,35) ressuscité

parmi ceux qui s’unissent en son nom,

ville où la paix a été établie par le bois de la croix,

je contemple tes murs inondés par le soleil,

et me laisse entraîner par ta foule si bigarrée.

 

Jérusalem, je veux suivre le chemin de ton Roi,

marcher avec lui dans tes ruelles

et habiter son oui à la volonté du Père

et son non à tout ce qui m’en détourne.

Jérusalem, que ton oui soit oui

et ton non soit non !

 

Sur le chemin d’Emmaüs !

Chacun peut s’idenfier à l’autre disciple anonyme !

 

Martin Hoegger https://martin.hoegger.org

PROCHAIN - Chroniques de Emmaüs : un chemin en douze étapes

Image principale - Le chemin dans la vallée d’Arazim, entre Jérusalem et Motza