Chroniques Arméniennes

En marche vers 2033! Chroniques arméniennes. Octobre 2016 Le samedi 22 octobre, autour d’un copieux petit déjeuner, nous nous plongeons dans la réalité ecclésiale arménienne avec Andrey Derkach, directeur de Jeunesse en Mission en Arménie et Karen Khachatryan, pasteur baptiste, son collaborateur et notre conducteur de ces jours. Il est vrai que j’avais déjà quelque connaissance du terrain, puisque je l’avais découvert deux ans auparavant, lors d’unevisite avec la Communauté des Eglises chrétiennes du canton de Vaud.

« Nos projets ne dépassent jamais cinq ans. Un tel projet est nouveau. En Arménie, les Eglises manquent d’unité, en particulier entre les évangéliques. Ce projet va nous aider à cheminer vers plus d’unité », s’exclame A. Derkach, qui a de bonnes relations avec les diverses Eglises. « Quelque chose doit changer en Arménie : soit l’unité, soit l’Eglise disparaît ! »

Un mariage en Arménie

Le dimanche, nous avons la joie de participer au culte d’une Eglise pentecôtiste durant lequel un mariage est célébré. Il a lieu dans une usine désaffectée dans la banlieue nord d’Erevan. La salle est pleine et les femmes sont en grande majorité, également dans le chœur qui entraîne la louange avec des chants de la liturgie traditionnelle et du répertoire protestant. Avez-vous déjà entendu « A Toi la Gloire, ô Ressuscité » en arménien ? Mariage Armenie

Durant le repas qui suit nous faisons connaissance de son pasteur, Aharon Ghazaryan, une figure de la fidélité à l’Evangile durant la période soviétique. En prison, il a été miraculeusement protégé alors qu'on voulait l'exécuter. « Aujourd'hui le plus grand défi de toutes les Eglises est l'émigration. Les Eglises vieillissent et ne se renouvellent pas », nous dit-il.

Etchmiadzine : « le Fils de Dieu est descendu »

Lundi nous sommes à Etchmiadzine, la capitale spirituelle de l’Arménie. L’archevêque de Tavush, Mgr Bagrat Galstanyan nous reçoit et nous fait visiter la cathédrale. Il nous explique le sens du nom d’Etchmiadzine, qui exprime le cœur de la foi de l’Eglise apostolique arménienne : « Le Fils unique de Dieu est descendu sur terre ». Il nous montre l’autel principal de la cathédrale qui a été construit à l’emplacement où Grégoire l’Illuminateur (début du 4e siècle) a eu cette vision de la venue du Christ.

Marie et CroixSur les autels dans chaque Eglise arménienne il y a l’icône de Marie avec Jésus dans ses bras et une croix arborescente qui exprime à la fois la mort et la résurrection de Jésus. Une croix - arbre de vie qui manifeste la victoire du Christ sur la mort.

Ainsi le cœur de la foi chrétienne – la descente du Fils de Dieu en Marie (l’incarnation), sa vie parmi nous, sa mort pour nous et sa résurrection pour demeurer à jamais au milieu de nous (la rédemption) - est exprimé de manière très synthétique.

À chaque célébration de l'eucharistie, "le Fils unique de Dieu descend sur terre". C'est "Etchmiadzine" lors de chaque prière. Mais aussi à chaque fois que nous nous réunissons en son nom, dans son amour: "là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux", dit Jésus dans l'Evangile. (Mat 18,21)

Olivier et moi sommes, bien sûr, ravis de découvrir combien la foi en la résurrection du Christ est au centre de la spiritualité de cette vénérable Eglise.

Prendre conscience de la résurrection

« Nous vivons de la réalité de la résurrection, dit Mgr Bagrat.  Aucune Eglise, aucun chrétien ne peut exister sans la résurrection. Votre appel est merveilleux et très enthousiasmant. Je demande à Dieu de vous donner du courage pour cette énorme entreprise ! »

Il voit trois aspects : d’abord un dialogue théologique entre les Eglises. Si elles doivent s’unir dans la mission, elles doivent aussi travailler à une compréhension commune de la résurrection. Puis il faut mettre l’accent sur la jeune génération qui n’a pas conscience de la résurrection. Une prédication intensive est nécessaire, par exemple en implantant partout des cours Alpha. Enfin, pour l’Arménie, il faudrait refonder la mission des monastères qui sont des écoles de renaissance spirituelle. (voir la vidéo de l’interview de Mgr Bagrat ici)

Le Père Sipan Vardapet Gevorgyan, responsable du mouvement de jeunesse de l'Eglise apostolique arménienne, accompagne Mgr Bagrat pour cet entretien et tient à ajouter un quatrième point, à savoir de comprendre quelle est l’attente de la jeunesse par rapport à l’Eglise. Celle-ci est plongée dans le consumérisme et relègue les préoccupations spirituelles au second plan. « Je soutiens ce projet, car le Christ ressuscité est la base de la vie chrétienne. Elle seule garantit l’unité de l’Eglise et son avenir ».DSC03261

Après notre entretien, à notre surprise, Mgr Bagrat nous propose de l’accompagner pour présenter JC 2033 à une quinzaine de séminaristes. A l’issue de la rencontre nous avons l’occasion de discuter personnellement avec plusieurs jeunes. L’un d’eux nous dit : "Je voudrais vous revoir dans seize ans pour célébrer avec vous le Ressuscité !"

Un temps de réconciliation

DSC03319L’après-midi nous visitons le siège de l'Eglise évangélique arménienne et les pasteursHovhannes Hovsepyan et Albert Payan. Au sujet de JC2033, Hovhannes nous a dit : "L’esprit est plus important que la date et l’histoire. Nous nous voyons dans cet événement historique, où la résurrection de Jésus sera proclamée dans l’unité et la mission. Le plus important sera de parler avec des actes d’amour, pas seulement avec des paroles".

Pour A. Payan, c’est bien maintenant qu’il faut commencer à faire réfléchir les responsables des Eglises à cette date importante de la chrétienté : « les seize années devant nous doivent être un temps de prière et de recherche de la volonté de Dieu. Un temps pour surmonter les tensions entre Eglises. Un temps de réconciliation. Un temps pour aller à nos sources et pour vivre plus fraternellement. Tout commence par des relations personnelles et amicales ».  

   2033, un bon prétexte !

DSC03356Le lendemain, dans la banlieue d’Erevan, nous commençons la journée avec une vingtaine de jeunes - dans une "Ecole de disciples" de Jeunesse en Mission - venant de divers pays (Bielorussie, Khazakstan, Russie, Arménie, Iran). Olivier parle en anglais et est traduit en russe parA. Derkach. À partir du russe, des traductions en arménien et en farsi sont faites !

Puis nous nous rendons au siège de l'Eglise catholique DSC03365arménienne pour rencontrer le P. Komitas Daveyan dont la joie est communicative. Il entre tout de suite dans la vision de JC 2033 : mettre Jésus au centre, pas l’Eglise. L’Eglise est un moyen pour faire voir Jesus. « Je vous remercie pour cette initiative de communion dans la diversité. 2033 est un bon prétexte, profitons! Le monde a besoin de voir que nous sommes unis et nous embrassons. Augustin disait : tu dois vivre et aimer, mais tu ne le fais pas » !

Une fraternité spirituelle

Brotherhood, ErevanL'après-midi, nous visitons la "Brotherhood" (Fraternité), un mouvement de spiritualité dans l'Eglise apostolique arménienne (orthodoxe) où nous attendent son président Hamlet Zakaryan et Vardan Harutyunyan, membre de cette fraternité et directeur de la Ligue pour la Lecture de la Bible. Ce mouvement qui a été fondé à la fin du 19e siècle comptait plus de 100'000 membres, mais a été persécuté dans les années 1980.

Nous sommes tout de suite sur la même longueur d’onde avec eux. H. Zakaryan nous dit son émotion de nous rencontrer, car l’unité chrétienne lui tient très à cœur : « Il nous fait prier, consulter, dialoguer pour mettre en place ce projet. Si nous ne pouvons pas nous mettre ensemble, nous ne sommes pas chrétiens. Le royaume de Dieu ne peut être divisé. On ne doit pas  partager son coeur : être à la fois pour Dieu et pour le monde ».

Nous concluons notre visite par un beau moment de prière.

DSC03369Enfin nous finissons l'après midi au siège de la Société biblique arménienne pour rencontrer Arschavir Kapoudjian, professeur d'Ecriture sainte à Etchmiadzine et valeureux prédicateur de la Société biblique qui n'hésite pas à visiter les villages longeant la frontière avec l'Azerbaïdjan, parfois au péril de sa vie. « Si ce projet est la volonté de Dieu, nous devons y entrer ensemble, dit-il. Le monde doit voir que les chrétiens tirent à la même corde. Et le Christ ressuscité est au centre. Je suis personnellement très encouragé par ce projet et ferai ma part ».

La grenade annonce la résurrection !

pomegranitPour conclure, regardez cette grenade, le symbole national arménien ! Connaissez-vous le sens spirituel (et christologique) de ce fruit ? Sous son écorce, il y aurait, dit-on, 365 grains d'une grande douceur. Mais pour y parvenir il faut ôter une membrane très amère.

C'est ainsi que, pour parvenir à la douceur de la résurrection, le Christ a dû passer à travers l'amertume de la Croix.

Il en va de même dans nos vies: chaque crise est promesse d'un nouveau départ. Mais le Ressuscité est avec nous chaque jour, dans l'adversité comme dans les bons moments.

Voici encore quelques lignes du grand poète arménien Grégoire de Narek (10e siècle): 

Il fut un temps où je n'étais pas, et tu m'as créé. 

Je n'avais pas prié, et toi, tu m'as fait. 

Je n'étais pas encore venu à la lumière, et tu m'as vu. 

Je n'avais pas paru, et tu as eu pitié de moi. 

Je ne t'avais pas invoqué, et tu as pris soin de moi. 

Je n'avais pas fait un signe de la main, et tu m'as regardé. 

Je n'avais pas supplié, et tu m'as fait miséricorde. 

Je n'avais pas articulé un son, et tu m'as entendu. 

Je n'avais pas soupiré, et tu as prêté l'oreille. 


Tout en sachant ce qui allait m'arriver actuellement, 

tu ne m'as pas dédaigné… 

Penche-toi vers moi, seul Miséricordieux, 
pauvre arbre pensant qui est tombé. 

Moi qui suis desséché, fais-moi refleurir 
en beauté et splendeur, 

selon les paroles divines du saint prophète ... 

Toi, seul Protecteur, 
veuille jeter sur moi un regard sorti de la sollicitude de ton amour indicible... 

et de rien tu créeras en moi la lumière même.  (Le Livre de prières, n°18)